La Libération des Camps et le Retour


Enfin Libres !

Ce cri de joie, tempéré hélas par le décès de camarades, fut loin d'être poussé le même jour dans les camps, qu'ils soient de Concentration, de Prisonniers de Guerre ou du Travail forcé.


C'est suivant l'évolution des forces alliés, front de l'Est et front de l'Ouest, que nous connûmes ce moment privilégié. L'époque s'en étala en 1945 de janvier (pour la Pologne) à l'été ; une époque difficile où la nervosité des nazis se mua souvent en fureur (massacre du Vendredi-Saint à Dortmund); de replis à marches forcées sur décisions des S.S. ou des S.A. aux bombardements, les dernières heures furent souvent dramatiques. Restait à organiser le rapatriement de centaines de milliers d'hommes en partant de pays en ruines, aux voies ferrées et aux ponts coupés. Au 8 mai 1945, jour de la victoire, le ministère ne dénombre que 500.000 rapatriés, toutes catégories confondues. Pour ceux d'entre nous qui rentrèrent par Odessa, l'attente fut encore plus longue.


De camps de regroupement aux wagons de marchandise, aux bateaux ou en camions, nous retrouvions la France avec joie et émotion. Dans les centre d'accueil, après un transit normal par les services de la sécurité militaire et ceux, bien succincts, de la santé et de la désinfection, il nous fut remis : une carte de rapatrié, une somme de mille francs (anciens) et, en échange de cent marks, deux mille francs (toujours anciens) ainsi que soixante grammes de tabac.

Mais plus que cet aspect matériel, le bonheur d'un télégramme familial stéréotypé : "rentre en France, bonne santé" (les guillemets sont de nous) "Arrivée imminente". Et puis cette chaleur de l'accueil fondant sans distinction les revenants. La mère-patrie reçoit tous ses enfants et prône l'unité. Dans l'euphorie du retour, qui s'es soucié de la précarité du contrôle sanitaire ? et pourtant, lorsque les malades devront, quelques mois plus tard, démontrer la présomption d'origine, les pièces leur feront souvent défaut, les privant ainsi d'une assistance logiquement due (Code des pensions). Le groupe de travail médical sur la pathologie constate lors de son dépôt que plus d'un tiers des Déportés du Travail rapatriés sont décédés, ce qui, au regard des pourcentages nationaux, est anormal dans cette tranche d'âge.

Viendra ensuite le difficile problème de la réinsertion sociale et professionnelle. Sur le plan social, nous avons la fierté d'écrire que la Fédération a joué un rôle important dans l'obtention des mesures règlementaires qui furent adoptées ; comme elle joua un rôle important dans le rapatriement des corps et dans la défense des droits des familles de nos disparus.